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Accenture accompagne actuellement plusieurs acteurs français et internationaux de l’industrie de l’assurance dans leurs programmes de transformation IFRS 17. L’entrée en vigueur de la norme IFRS 17 va être reportée d’un an au 1er janvier 2022. Comment les assureurs prennent en compte ce décalage dans leurs programmes de mise en conformité ? Quelles conséquences sur leurs plannings de travail, leurs budgets, leurs niveaux de mobilisation ? Est-ce un bonne nouvelle pour l’industrie ? Nous vous proposons de partager ici notre point de vue sur les effets induits par ce délai de grâce d’un an.

Episode #4 –  IFRS 17 décalé d’un an : quelles conséquences, quels risques et quelles opportunités ?

Le Board de l’IASB a accepté en novembre dernier le principe de reculer d’un an l’introduction de la norme IFRS 17 et également de maintenir le couplage avec la norme IFRS 9, qui est donc encore repoussée d’un an pour les assureurs. Ce décalage conjoint d’IFRS 17 et d’IFRS 9 donne une bouffée d’air aux assureurs qui avaient, à plusieurs reprises depuis ces six derniers mois et par le biais de différents canaux (TRG, EFRAG, CFO Forum, Insurance Europe…), remonté à l’IASB des difficultés majeures liées à la mise en place d’IFRS 17.

Invoquant des problématiques de valorisation du passif et de complexité opérationnelle, mais également des contraintes de marché (comme l’indisponibilité de solutions technologiques matures ou l’insuffisance de ressources qualifiées), les assureurs demandaient un report de l’entrée en vigueur de 2 ans, voire même 3 ans pour certaines fédérations.

Au bout du compte, la durée du décalage retenue par l’IASB est d’un an. En effet, le normalisateur craignait qu’un décalage de deux ans conduise à un « déraillement » des projets des assureurs. Cette décision présentée ainsi comme « pragmatique » a dans les faits été acceptée « à contre-cœur » par les instances de l’IASB qui se faisaient l’écho des utilisateurs des états financiers (au-delà des préparateurs) et qui préconisaient de faire converger sans tarder les pratiques comptables internationales des assureurs et de fournir une vision économique de leur situation financière aussi bien à l’actif qu’au passif. Le mot d’ordre final à l’attention des assureurs étant : concentrez désormais votre énergie sur les travaux de mise en conformité, plutôt que sur des efforts de lobbying. Un mois après, qu’en est-il ?

Si le décalage d’un an a pu être présenté comme une victoire pour la profession, celle-ci n’a pas tardé à renouveler dès décembre sa demande d’un décalage de deux ans par la voix d’Insurance Europe, à laquelle se sont associées 10 fédérations internationales. En effet, si la question de la date effective d’IFRS 17 a été tranchée rapidement par l’IASB, celle de la réouverture de la norme et de potentiels amendements ne fait que commencer. Pour autant, les critères d’éligibilité posés par l’IASB pour étudier les sujets sont stricts et imposent notamment de ne pas « disrupter » l’implémentation de la norme. In fine, lors de la réunion du Board de décembre, sur 13 sujets présentés par l’industrie comme des « problèmes à résoudre », seul un seul pourrait conduire à des amendements.

D’un point de vue opérationnel, comment les Groupes d’assurance réagissent-ils ? Ils ont pu adopter des réponses différentes selon le niveau d’avancement de leurs projets, selon la complexité de leurs propres organisations, selon leur positionnement de marché… Plusieurs cas de figure ont pu être observés :

  • Certains acteurs de premier plan ont indiqué qu’ils seraient au rendez-vous de 2021 comme prévu et ne changeaient rien à leurs calendriers de préparation.
  • D’autres ont préféré repousser la livraison de certains travaux dont les sous-jacents faisaient l’objet de discussions (e.g. points ouverts sur la réassurance ou la transition notamment). Ils ont pu également répercuter le décalage d’un an sur leurs tests à blanc et autres exercices de préparation en condition réelle, ceci afin de bénéficier d’un dispositif de production plus stable chez eux. Des nuances peuvent aussi apparaître en termes de montée en puissance avec des jalons de livraisons intermédiaires de certains travaux et davantage de dry-runs, ceux du début étant plus light qu’initialement envisagé, avec un niveau d’ambition qui progresse au fur et à mesure.
  • D’autres groupes, apparentés tier 2 ou 3, souvent moins avancés, ont pu opter pour un complément de cadrage bienvenu avant de réellement initier leurs phases d’implémentation opérationnelle. Ce faisant, l’échéance 2022 est intégrée à leur feuille de route ab initio.
  • D’autres encore n’ont pas pris de décision et observent les réactions de leurs pairs et l’avancée des discussions de l’IASB en parallèle.
  • Enfin, les bancassureurs doivent répondre dès maintenant sur le volet IFRS 9 pour les besoins de leurs actionnaires bancaires qui restent soumis à la date effective originelle du 01/01/2018.

L’équation n’est pas facile à résoudre : reporter la fin des projets d’un an conduit quasi-nécessairement à faire déraper leurs coûts. Or les budgets des projets (mêmes réglementaires) sont contraints et fixés à l’avance. Par ailleurs, un décalage n’est pas considéré nativement comme une justification suffisante à complément budgétaire. En même temps, certains points de préparation posent de réelles difficultés et peuvent nécessiter des compléments d’instruction. On peut penser que davantage de simulations ou des parallel runs sur une période plus longue seront également nécessaires afin de bien calibrer les choix normatifs. Par ailleurs, la crainte qu’un décalage et un étalement des travaux puisse provoquer, au sein des équipes impactées par le projet, une sensation d’effet tunnel peu propice à la mobilisation peut jouer. Risque de lassitude, perte d’endurance, inflation budgétaire : les risques existent et l’expérience Solvabilité II est prégnante.

Néanmoins, en se desserrant d’une contrainte de temporalité, les groupes ont l’opportunité de concevoir des dispositifs de reporting plus pérennes. Les acteurs qui tirent parti d’IFRS 17 pour réfléchir à leurs systèmes, à leurs processus et à leur organisation de la production de l’information financière de manière plus globale peuvent ainsi espérer aboutir à une cible de long terme, au-delà d’une vision purement réglementaire du rendez-vous « day one » fixé par la norme. Il nous semble ainsi clé de tirer parti du contexte actuel pour bien concevoir sa « vision à l’ultime » et développer un niveau d’ambition qui prend en compte les besoins internes et externes des Groupes : améliorer l’efficacité opérationnelle et le pilotage business des clôtures financières et pas uniquement répondre a minima aux exigences réglementaires d’IFRS 17 et 9.